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    EXTRAITS  DE  MON  JOURNAL
     

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      Note : la première version de ce journal ayant été détruite grâce à l'emploi d'un logiciel de P.A.O. (plantage assisté par ordinateur), il a été reconstitué de mémoire. Il en résulte d'éventuels décalages de semaines ou de mois entre les faits évoqués et la date réelle de leur survenue.

     

      Les événements commentés remontent (pour ceux qui sont réels) à la période 1998 - 2001.

     

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     22 octobre 1998

      Les Epoux Renaud ou Renault gagnent leur procès face à l'obstruction du parquet de leur département : en dépit des vaines protestations de quelque substitut vétilleux, un juge éclairé permet aux parents de prénommer leur enfant : "Mégane".

      Les demandeurs ont argumenté en ce sens : une automobile est chose éphémère, et le modèle Mégane sera bien oublié lorsque leur enfant à l'école sera face à ses petits camarades.

      Voilà le bon sens même, et à d'autant plus forte raison que le modèle de voiture est plus ancien. Que dire alors s'il est vieux de soixante-dix ans ! J'appellerai mes jumelles Juvaquatre et Primaquatre. J'aurai contre un parquet obscurantiste la jurisprudence avec moi.  

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    25 octobre 1998............................................................................ ............. .................

      Le député Florian Gransabre, dont par charité pour son parti nous tairons l'obédience politique, s'est adressé aux autorités britanniques pour les prier de rebaptiser Waterloo Station, Trafalgar Square et autres voies londoniennes aux appellations préjudiciables à l'Entente cordiale. Pour soutenir sa démarche, lui ai adressé un courrier d'encouragement : 

    " Monsieur le député, ma famille et moi-même ne pouvons qu'abonder en votre sens. Je suis profondément heurté par le dédain que l'Angleterre porte à l'épopée impériale, à laquelle ma famille est viscéralement unie par le souvenir. 

    " Je descends de mon lointain aïeul Jean, cultivateur beauceron qui eut trois fils. Evariste, l'aîné, tombait glorieusement à Wagram la gorge percée d'une baïonnette avant même de savoir qu'il était vainqueur. Pierre son cadet glissait en Russie sur la neige devant les roues d'un charroi de munitions. Julien le petit dernier atteignait ses dix-sept ans et s'enorgueillissait de combattre bientôt lorsque, à son plus vif dépit comme à celui de ses parents,  l'infâme défaite de Waterloo l'empêchait d'aller se couvrir de gloire à son tour.

    " Il ne faut plus depuis lors, M. le député, parler de Waterloo devant ma famille.

      La démarche de Florian Grandsabre n'a nullement reçu outre-Manche le mauvais accueil qu'on aurait pu craindre. Bien au contraire le Foreign Office non seulement l'invitait à Londres examiner l'affaire, mais encore lui dépêchait à titre de navire spécial la frégate Somerville pour lui faciliter la traversée du détroit de Douvres. 

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    4 novembre 1998.  

      Je rentre de la manif. C'était très bien.

      Le départ du cortège s'est produit avec une heure de retard. La foule attendait depuis tout ce temps. Un certain nombre de personnes prises par d'autres obligations n'ont donc ni défilé ni été comptées.

      N'est-ce pas dans un épisode de la révolution spartakiste avortée, que la foule berlinoise prête à marcher attendit des heures que ses chefs en parlottes finissent par lasser son courage, laissant ainsi par sottise pure s'échapper l'histoire de leurs mains ?

      J'ai souvenir aussi des "Journées de l'artillerie", spectacle donné chaque année par l'école d'application de cette arme à Châlons-sur-Marne, où les manoeuvres devant être présentées au public à quatorze heures ne commençaient jamais avant quinze heures bien sonnées, parce que les généraux, s'excusait la sono, n'étaient pas encore arrivés. Or qui a la moindre connaissance de l'armée sait parfaitement où sont encore à quinze heures des généraux attablés depuis midi. Et voilà comment je suis devenu antimilitariste. On avait qu'à ne pas se moquer de moi, qui, encore enfant, avais sauté mon dessert pour être sûr de ne rien manquer.

      Le cortège de la manif enfin s'est ébranlé, parsemé de couples de drapeaux rouges levés et croisés, Dieu comme c'est beau ! Je comprends tout compte fait la vocation militaire, même si les étendards diffèrent ; mais l'important n'est pas là ; il est dans le drapeau, un drapeau.

      Obtenu un certain succès dans mon solo de Bella ciao. C'est étrange comme sa sonorité particulière peut électriser une foule. En ai profité pour enchaîner sur Erika sans que personne s'avise de rien. J'entonnais ensuite les premières mesures de Funiculi funicula que je me faisais fort de faire passer pour un chant antifasciste, lorsque j'ai été couvert par les haut-parleurs lançant des slogans parfaitement irresponsables dont les auteurs ne mesurent pas toujours les désastres qu'ils peuvent entraîner : "Nous ferons reculer le gouvernement", "Chiii-rac, dé-mis-sion !", "Les travailleurs ne sont pas la variable d'ajustement des intérêts du capital !", "Non aux injustices"... 

      La pluie a dispersé les derniers participants. 

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    5 novembre 1998.

      Encore une histoire de variable d'ajustement, et autrement sombre, celle-là.

      Lu dans un numéro d'Air et Cosmos que l'achat des bombes d'avion est en passe de devenir la variable d'ajustement des budgets de l'Armée de l'Air !

      C'est le directeur d'une société fabriquant de telles bombes qui lance le cri d'alarme :  les sommes allouées par les militaires à ce poste budgétaire fluctuent selon ce qui reste de sous à l'aviation ! Prions pour que les Serbes ne s'en doutent pas.

      Voilà donc une PME familiale mise avec amour sur ses rails par un homme de mérite, et que l'indifférence des autorités risque de mettre en péril !

      Alors que tout le monde met dans la famille la main au penthrite ; et jusqu'au petit garçon rentré de l'école avant de faire ses devoirs ; on ne lui confie pas encore des tâches dangereuses, bien sûr, mais, doué pour le dessin, il prend plaisir à orner les corps en acier forgé par des nose art - convenables, naturellement - une activité de l'esprit où sa fraîcheur enfantine place une touche émouvante. N'est-ce pas mieux à son âge que regarder des feuilletons américains qui n'enseignent que la conduite automobile criminelle et le passage à tabac ?

      Et des commandes aléatoires mettraient ce petit paradis en danger ! A quoi pense notre état-major ? Songe-t-il que derrière les bombes, il y a des hommes ?  

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    6 novembre 1998.

      Appris qu'existait au début du XXème siècle entre Egypte et Angleterre un trafic légal de momies destinées à être par milliers pilées en farine humaines mêlées aux aliments pour le bétail.

      C'est une chance que les anciens Egyptiens aient entouré la mort de leurs proches de tant d'amour et de piété, pour les voir quarante siècles plus tard traités avec une désinvolture où le mépris le dispute à la barbarie.

      Mais quoi qu'il en soit, le fameux mystère de la malédiction de Toutankhamon est résolu : lord Carnavon et les autres inventeurs du tombeau ont péri de l'encéphalite de la momie folle.

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    8 novembre 1998

    Découvert que l'histoire belge est une tradition aussi ancienne que le pays.

    C'est au soir du 25 août 1830, date de l'émeute qui devait entraîner l'indépendance du pays, qu'on voit se produire la première histoire belge.

    La foule dévalisa une armurerie, ce qui en temps d'émeute présente quelque logique. Ensuite, elle dévalisait également un... magasin de jouets, pour... avoir des tambours.

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    9 novembre 1998.

      Jacques Chirac a suspendu le service militaire sensiblement en même temps que le téléphone portable envahissait le marché. Est-ce un effet du hasard ? Je ne le crois pas : le service est incompatible avec le téléphone portable. Permis ou interdit dans les casernes, les appelés eussent eu de toute façon leur appareil. Les conséquences...

      Prendre des jours de trou et s'en plaindre à Papa lors de la permission suivante, c'était risquer de voir le paternel sourire avec un commentaire dans le genre : "C'est l'armée... On y est tous passés... Sûrement une punition pas très juste, mais c'est le folklore... T'en fais pas !... Tu te tiendras à carreau la prochaine fois..." ; et de répliquer à Maman, tout de même bien fâchée par la sanction qui a frappé son trésor : "Aaah... Laisse donc !... Ca lui fait un peu les pieds, à la fin ! On était bien trop faibles avec lui, nous..."

      C'était l'avantage du fait accompli et de la punition déjà terminée ; pourquoi y revenir ? Tandis qu'avec le téléphone portable :

    - Allo, Maman, je vais dans cinq minutes entrer en prison pour trois jours au motif d'avoir envoyé paître un caporal-chef que pourtant ses supérieurs jugent comme je le juge, puisque voilà un an qu'il aurait dû être promu sergent comme tous ses camarades de promotion...

    - Allo, Papa ? Je suis menacé d'une punition parce mon lit fait au carré avec ses draps roulés et mis en croix, un inconnu s'est glissé dans mon dortoir s'emparer d'un des draps. Ce n'est sans doute pas pour l'utiliser, mais pour le porter au lavage contre un autre. Cela se produit lorsqu'un soldat quelconque s'est fait lui-même chiper un drap et "doit" recompléter son fourniment. J'ai dû être le premier à rompre la chaîne et à signaler mon vol au lieu d'aller en piquer un autre à mon tour. Voilà... 

    - Allo, monsieur mon ancien professeur ? Vous qui me félicitiez pour mon second prix au Concours général de grec, voilà que quelques mois plus tard je vide les poubelles de tout le cantonnement pour un motif qui vous plaira certainement. Un sous-officier me faisait mettre à ce garde-à-vous qui symbolise l'intelligence et la liberté enseignées par vos humanités. Je ne sais pas quelle erreur j'ai pu faire dans la position et ne savoir la corriger ; toujours est-il que le sergent s'est mis à hurler à trente centimètres de moi, le visage cramoisi, hors de toute proportion raisonnable, déconsidérant la Défense à laquelle il est supposé me faire adhérer. J'ai répliqué un peu hors du règlement, et me voici armé pour la semaine d'une paire de solides gants d'éboueur. Je n'ai rien contre cette profession, naturellement. 

      Papa hors de lui appelle avec une courtoisie discutable le colonel éberlué. Maman scandalisée met en branle une association quelconque, force le député à lui emboîter le pas. Le professeur hébété par le blasphème contre l'esprit perpétré à travers l'humiliation d'un helléniste remarquable, écrit au ministre et à Marianne.

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    3 décembre 1998.

      Après le naufrage du pétrolier Erika sur les côtes bretonnes, le PDG de TotalFinaElf est invité au "Petit Déjeuner de France Inter". "Scandale médiatique !" protestent les uns ; "Pas du tout", réplique la rédaction du PDDFI ; "il n'aura pas de croissants".

      On apprend avec stupeur le ramassage de cent trente mille oiseaux mazoutés : c'est pas croyable ce qu'il pouvait y avoir comme vermine sur ces côtes. 

      Les marins-pêcheurs bretons jugent qu'on en fait un peu beaucoup avec ces bestioles tandis qu'on s'intéresse fort peu à leurs pertes économiques. Ils ont sans doute raison. Qu'on martin-pêcheur breton se couvre de fuel lourd pour agiter convulsivement les bras sur le sable : on verra bien qui de lui ou des mouettes sera le premier secouru par les écologistes.  

      Un auditeur de France-Inter conseille l'emploi de Canadair pour écoper le mazout en surface. Malheureux ! Si jamais il s'y trouve un baigneur, cela en fera un de plus aspiré tout vif !

      Michel Sardou remet au goût du jour : Si l'Erika n'était pas là...

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    17 décembre 1998

      On apprend avec tristesse la mort des suites de la maladie de Kirschpott et Dumbell-Smith du célèbre philosophe Paul Schmitzenbourg-Lavallée, qui avait depuis l'obtention de son Prix d'Amérique les honneurs du Petit Larousse : 

    SCHMITZENBOURG-LAVALLEE, Paul (1919-1998) ; philosophe français de premier plan né à Grenoble Saint-Geoirs, entré à l'Ecole Normale Supérieure en 1938. Agrégé en 1941, passait tout son temps les trois années suivantes à rédiger dans les salles sans chauffage de la Sorbonne sa thèse restée référence en la matière : de l'engagement.

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    1er janvier 1999.

      N'avais pas lu le Figaro depuis une éternité. Ouvert un numéro pour trouver le dessin de Jacques Faizant relégué de la une où il était resté vingt ans, vers de lointaines pages intérieures. 

      Quelqu'un a donc fini par s'apercevoir au Figaro que le Figaro payait Jacques Faizant pour faire rire ses lecteurs, sans doute, mais pour les faire rire des socialistes et non du Figaro.

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    13 janvier 1999.

      Note sur la maladie de Kirschpott et Dumbell-Smith : le médecin hongrois Janos Kirschpott (1878 - 1930) et le psychanalyste écossais James Dumbell-Smith (né en 1856) décrivaient indépendamment en 1924 le tableau clinique d'une même affection nerveuse passée jusque là inaperçue. La maladie qui se manifeste par une grande variété de symptômes atypiques causait chez l'épouse du praticien de Budapest une paralysie du larynx, tandis que celle de son confrère d'Inverness était secouée de crises d'achats compulsifs. Les deux médecins se consultèrent pour aboutir à la conclusion qu'il était sans intérêt de traiter Helena Kirschpott (plaisanterie misogyne) tandis que tous leurs efforts se porteraient sur l'éradication des accès particulièrement inquiétants de Mary Dumbell-Smith (blague écossaise).

      Hommage à Janos Kirschpott disparu l'année précédente, la publication de leurs travaux communs dans les Annalen der Aufklärungsgruppen du Forschungsinstitut für Segelflug de Drachenbronn-Birlenbach valait à James Dumbell-Smith le prix Nobel de médecine tropicale 1942.

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    2 février 1999.

      Il est des circonstances où l'on n'est pas bien fier d'être français. On apprend régulièrement comment les voyageurs d'une rame de métro ont fait montre d'une passivité scandaleuse devant l'agression dont était victime sous leurs yeux un de leurs compagnons. L'affaire prend un tour particulièrement navrant lorsque de surcroît la victime est un étranger en visite.

      Charles de Lützenfried (nous lui donnons un pseudonyme) semble tenir sur divers media le rôle d'Allemand fréquentable attitré. Il est notamment passé à l'antenne raconter à notre profit les voyages de sa jeunesse. Ravissant blondinet de dix-sept ans, Charles de Lützenfried en complet vert-de-gris arrivait à Paris en 1940 juste pour le début des grandes vacances scolaires, en compagnie de plusieurs centaines de milliers d'autres loustics (de l'allemand lustig) de sa sorte. Egaré, séparé de son unité, il décide de prendre le métro. Sa qualité le dispense-t-elle de titre de transport ? C'est ce que l'historiographie ne rapporte pas. Charles de Lützenfried bondit du quai dans un train qui déjà démarre. 

      C'est ici qu'il faut se remémorer le mécanisme des portes pneumatiques du Chemin de Fer Métropolitain de la Ville de Paris en ces temps que l'auteur n'a pas connus, mais dont les wagons verts de seconde et rouge de première firent encore un long usage par la suite. Maintenir levée d'un quart de tour à la main la manette sur l'une des portières gardait certes ces portières ouvertes, mais surtout n'empêchait pas le démarrage de la rame. On pouvait de même ouvrir avant l'arrêt et jouer à sauter en marche. Ceux qui ne connaissaient rien à la physique sautaient perpendiculairement au wagon et se cassaient la figure.

      Charles de Lützenfried bondit donc au dernier moment, et le voyageur qui avait encore en main la poignée la lâche en se garant instinctivement devant la fougue de la belle jeunesse blonde. A peine Charles de Lützenfried a-t-il passé le seuil qu'il entend un puissant bruit pneumatique dans son dos. Il voudrait rejoindre le centre du wagon, mais ses bottes patinent en vain sur le plancher. Son sac à dos est pincé entre les portières que maintiennent implacablement de puissants vérins. Il faut préciser qu'à cette époque nos trains de voyageurs à la pointe du modernisme disposaient d'éléments de confort qu'on ne rencontrait pas partout en Europe. Tous nos wagons possédaient ainsi, eux, des bancs, des fenêtres, des portes fermant toutes seules sans aboiements ni vociférations.

      Mais... horribile dictu, pas un passager ne vint à son aide. Charles de Lützenfried ne dut son inutile salut qu'à l'ouverture des portes à la station suivante.

      Quelle honte pour la France !

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    17 février 1999.

      Une dame historienne raconte à la radio comment Marc-Antoine perdit la bataille navale d'Actium peu avant de perdre la vie aussi : "Il est mort par orgueil machiste". Explication : il avait repoussé le plan de bataille de Cléopâtre, pourtant bien meilleur amiral que lui. Je gage que vous l'apprenez. Je raffole de ce genre de sexisme qui n'a même plus conscience de lui-même.

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    1er mars 1999

       Entendu mes neveux chanter Perrine était servante chez monsieur le curé. C'est la chanson osée des patronages. Les petits ne connaissaient que la version du clergé. Leur ai enseigné la version clandestine des adolescents de 1965 (dont l'évolution sociétale a bien réduit le charme depuis) que je venais d'improviser en les écoutant :

      Perrine était servan-teu  --  Perrine était servan-teu -- Chez monsieur le curé, diguedon ma dondai-neu -- Chez monsieur le curé, diguedon ma dondé ;  

      Son amant vint la voi-reu -- Son amant vint la voi-reu -- Un soir après l'dîner, diguedon ma dondai-neu -- Un soir après le dîner, diguedon ma dondé ;

      (Par parenthèse : elle n'avait donc pas l'â-geu -- Elle n'avait donc pas l'â-geu -- Pas l'âge canonique, diguedon ma dondai-neu -- Pas l'â-geu canonique, diguedon ma dondé ;

      La morale de l'histoi-reu -- La morale de l'histoi-reu -- Je vais vous la conter, diguedon ma dondai-neu -- Je vais vous la conter, diguedon ma dondé ;

      M'sieur l'curé mit Perri-neu -- M'sieur l'curé mit Perri-neu -- Dans l'avion d'Angleterre, diguedon ma dondai-neu -- Dans l'avion d'Angleterre, diguedon ma dondé.

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    18 mars 1999

      Appris à la radio ces néologismes inconnus de moi : "adonaissants" et "adulescents". Il nous est en outre affirmé que bien loin d'être manipulés par la publicité, adonaissants et adulescents seraient au contraire des "consommacteurs".

      Je ne regrette plus d'être vétérocroûtonosénescent.

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    2 avril 1999.

      Le sculpteur Arman vend 400  000 F (quatre cent mille francs) des violons qu'il signe après les avoir cassés lui-même sur son genou. Questionné par un journaliste facétieux, il avoue qu'il ne casse pas de Stradivarius à ce prix.

      Pourquoi se dévaloriser ainsi ? Arman  est un artiste qui n'a pas à décrier ses propres oeuvres. C'est une véritable charité qu'il consent à ses amis (un artiste n'a pas de "clients") en leur abandonnant pour quatre cent mille francs une oeuvre dont j'estime qu'elle devrait coter autant qu'un stradivarius. Peut-on seulement mettre un chiffre sur la valeur vraie d'un violon cassé par Arman, si l'ami en plus est convié à la création de l'oeuvre ! La performance (les béotiens chercheront la bonne acception du mot) entre ici largement dans l'estimation de la valeur d'une oeuvre dont elle est indissociable. Le son d'un stradivarius qui fait crac et meurt dans le gémissement d'une corde pincée entre les bois brisés... Assez, assez !... le vertige artistique nous saisit !...

      Mais voici qu'Arman pour allumer le feu de bois de sa villa écrase sous le pied les cageots qu'il s'est fait donner par le fruitier du supermarché, et tout à coup, interrompt son geste, sa geste, demeurant interdit d'avoir sans y penser atteint au sublime...

      (Note : au grand dam des admirateurs de Stradivarius, nous apprenons que les produits chimiques dont sont imprégnés les bois employés par le célèbre facteur (les béotiens... voir plus haut) pour leur conférer leur sonorité spéciale auraient été récemment identifiés. Nous comprenons la déception des amateurs de stradivarius et de mystère, mais rappelons que les règlements européens édictés contre la pollution défendent qu'on mette au feu les bois imprégnés).   

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    15 avril 1999

       N'avais pas encore vu Les Enfants du paradis. Voilà qui est réparé ce jour. Me suis solidement ennuyé devant le plus grand film français, comme le qualifient tous les connaisseurs. Arletty reste soporifique quoi qu'elle joue ; son timbre est presque aussi déplaisant que celui de Ségolène Royal. Jean-Louis Barrault en revanche n'est pas un comédien négligeable ; quelques décennies après ses navrantes pantomimes des Enfants du Paradis, il trouvera enfin un rôle à sa mesure dans le Louis XI du Miracle des loups

      Tous les metteurs en scène eussent donné leur oeuvre entière pour avoir tourné les Enfants du paradis. Tous les comédiens auraient donné leur carrière pour en avoir tenu les rôles les plus humbles. Tous les professionnels du spectacle célèbrent ce film d'auto-célébration de leur profession, tout comme ils donnent ordinairement tous les oscars de l'année aux films basés sur ce principe de tournage en rond. C'est leur affaire. Les autres sont libres de s'en ficher.

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    22 avril 1999.

      Indigné par l'initiative de Jacques Chirac, responsable de l'abandon de la conscription militaire (appelée "suspension"... Allez donc la rétablir !), lui ai fait connaître mes sentiments consternés :    

      "Monsieur le Président,

      "Voilà les citoyens désormais en droit de redouter la balkanisation du pays et la dictature militaire. Faute que les jeunes gens venus de tous les bouts du pays continuent à se rencontrer et à se connaître, le Picard et le Breton ne sauront plus même situer sur la carte l'Alsace ou le massif Central. Pour un peu le Parisien ne saura plus où se trouvent les Alpes et la Côte d'Azur. L'individualisme brisera toute capacité de résistance devant par exemple les fléaux naturels : comment sans l'entraînement à la vie communautaire survivrons-nous dans l'ordre dans un village de toile après un tremblement de terre ? Je n'invente rien, Monsieur le Président, tous ces arguments justifiant le service militaire m'ont été donnés au régiment. Cela n'est rien encore. C'est le contingent qui a prévenu le putsch du quarteron de généraux félons, et empêché la folie prétorienne de sauter sur le Bois de Boulogne où les Parisiens écoutant les conseils enflammés de Michel Debré ont inutilement afflué à pied ou en voiture. Oui, Monsieur le Président, des militaires nous expliquaient tranquillement que nous étions nécessaires à ce qu'il n'y ait pas de coup d'état militaire.     

      "Un prêt du soldat de sept francs par jour ; une nourriture mal équilibrée mais saine et abondante, meilleure que celle de bien des jeunes gens jusque là ; le cinéma hebdomadaire pour un franc ; un bilan de santé, pour beaucoup le premier de leur vie ; le permis poids lourd gratuit ; du beurre deux fois par semaine au petit déjeuner ; des slips gratuits dans lesquels on mettrait deux soldats pour le moins ; l'accès illimité aux installations sportives...

      "Mais enfin", proteste mon excellente mère, "Il y a beaucoup d'excellentes choses dans tout ce que tu tournes en dérision !"

      "Vous avez, Monsieur le Président, navré tous nos idéaux."

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    28 avril 1999.

      Quel juge n'a jamais envoyé un homme au céphalectome après avoir forgé son intime conviction d'après une pièce qui s'encastrait trop bien avec les autres éléments du dossier pour que ce ne fût pas par hasard ? Quel croyant n'est pas sorti renforcé d'une crise de doute par la survenue d'un événement intime inattendu tombant trop juste pour n'être que l'effet d'une simple coïncidence ? Ecoutez donc, esprits forts, quel signe m'a été dernièrement adressé ; et dites un peu si vous n'allez encore y voir obstinément qu'une affaire de probabilités (il est évident que l'anecdote qui suit est entièrement véridique, puisque son intérêt serait nul si elle était inventée).

      Dimanche soir, ai relu Koenigsmark, l'une des histoires à dormir debout les plus réussies de Pierre Benoit. Vignerte, le personnage principal, perçoit de l'argent et entre se vêtir au magasin chic Old England de Paris. 

      Où veut-il en venir ? demanderez-vous ; la spiritualité n'est pas le fort de l'oeuvre de Pierre Benoit ?
      Sans doute ; mais vous n'en direz pas autant, je pense, de celle de François Mauriac ?

      Or voici que lundi à midi, acheté et lu au bureau Thérèse Desqueyroux, une oeuvre légère (150 pages). Conduite à Paris par un mari qui veut se séparer d'elle après qu'elle a tenté de l'assassiner, Thérèse en se promenant regarde son reflet dans les glaces de Old England.
      Hallucinant ! 

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    11 mai 1999

      Retour de république tchèque, me suis fait dire par mon père : "Veux-tu bien être un peu moins paresseux et cesser de dire "Tchéquie" ; cela m'est désagréable parce que cela me rappelle trop la Tchéka". 

      Admirez l'audace du deuxième âge ! (mon père lira probablement ces lignes). Car pour autant que je sache, ce militant centriste est toujours un ami politique de Stasi.

    22 mai 1999.  

      Proposé à M. Ernest-Antoine Seillère, président du MEDEF, une devise tirée des Pages Roses pour son mouvement patronal :  Might is Right.

      Proposé à M. Ernest-Antoine Seillère, auteur de l'astuce : l'ISF, c'est l'Incitation à Sortir de France ! deux projets de slogans : 

      "Les acquis sociaux, c'est des trucs du siècle dernier !" et : "La retraite à 70 ans, l'assurance maladie à remboursements réduits... c'est l'Amérique !"

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    30 mai 1999

      Me suis fait mal voir du parti socialiste. Invité Dieu sait pourquoi à un cocktail dans une mairie rose, passais derrière deux hiérarques locaux du parti occupés à converser sur le sujet d'un ancien président de la république. Avec un geste et un sourire entendu, l'un dit à l'autre :
    - Ca, c'est sûr ! François, c'était pas un moine !
      Me suis arrêté pour dire avec étonnement :
    - Allons donc... Il était bien francisquain ?

    4 juin 1999.

      Appris que François Mitterrand aurait parlé de nommer son chien Baltique au Conseil Economique et Social. Cet animal dispose d'un article personnel sur Wikipedia. Si François Mitterrand avait possédé un cheval, je lui aurais conseillé de le nommer au consulat. 

     *

      12 juin 1999.

      Me suis fait mal voir de la marine. Visitant un voilier ancien rénové en musée flottant, me suis fait poser une colle par le capitaine :

    - Comme vous savez, sur un navire n'existent que des brins, des bouts... jamais de corde. Il existe pourtant une exception, une seule. Savez-vous laquelle ? (il s'agit de la corde de la cloche).

    - C'est peut-être celle à laquelle vous attachez le lapin ?

    29 juin 1999.

      Me suis encore fait mal voir du capitaine en tentant de rattraper ma gaffe précédente. Croyant flatter son penchant naturel à l'héroïsme, lui ai demandé :

    - Lorsque vous faites naufrage, veillez-vous à ce que tous les rats aient quitté le navire avant vous ?

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    14 juillet 1999

      "Commandant", ai-je encore tenté pour nous rabibocher, "Il est deux endroits où l'on ne parle jamais de corde : un navire et la maison d'un pendu. N'y a-t-il pas un lien ? J'ai pensé qu'on n'en parlait pas à bord en raison, justement, de la pratique traditionnelle dans la marine de la pendaison haut et court des indisciplinés, des passagers clandestins et des émigrants qui n'ont plus de quoi payer la cantine du bord quand les vents sont restés trop longtemps contraires. Certainement avez-vous de nombreuses anecdotes à ce sujet au fil de votre longue carrière d'officier de marine ? 

    *

    27 juillet 1999

       Me suis fait mal voir de la Faculté. Une dame médecin du travail commentait devant un aréopage de petits fonctionnaires les effets de l'andropause. On peut se demander pourquoi, mais enfin c'était ainsi. Ai levé le doigt :
    - C'est quoi, l'andropause ? Vous êtes médecin ou féministe ?

    *

    14 août 1999.

      Me suis fait mal voir d'un contre-amiral et d'un vice amiral d'escadre en goguette ensemble à terre. N'avais pourtant posé qu'une innocente question à chacun :

    - Contre-amiral, c'est bien amiral de brigade ?

      Puis au second :

    - Bientôt en retraite ? Vous n'allez pas trop y perdre par rapport à votre solde d'active, j'espère ?

    *

    31 août 1999.  

      Le président de la république devrait prononcer l'allocution suivante :

      "Mes chers compatriotes, les géologues ont découvert dans le sous-sol du bassin parisien, des Flandres et de la Normandie, de l'Alsace et de la Bretagne, de la Bourgogne et des Charentes, du Massif central et des Alpes, de l'Aquitaine et de la Provence, du Languedoc et de la vallée du Rhône, des réserves de pétrole qui ramènent la péninsule arabique et la Sibérie, l'Irak et l'Amérique du Sud, la mer du Nord et l'Indonésie réunis, au rang de station-service de village.

      "Bien entendu, tant pour protéger l'environnement qu'afin de préserver le patrimoine des générations futures, le gouvernement a décidé qu'on n'extrairait pas une goutte avant le XXIIIème siècle".

      L'intérêt du discours serait de voir au bout de combien de temps les Américains viendraient rétablir la démocratie.

    *

    14 septembre 1999.

      Entendu par hasard à la radio un enregistrement d'un cours de Vladimir Jankélévitch. Ignorant tout encore de ce philosophe, ai sincèrement cru deux minutes qu'il s'agissait d'un sketch de Raymond Devos. Je jure que c'est vrai.

    *

    23 septembre 1999.

      Sur conseil, ai tenté de lire la Peau de Chagrin, après avoir vainement tenté jadis de dépasser vingt ou trente pages du Père Goriot d'abord, des Chouans ensuite. Même échec avec la Peau de Chagrin ; me suis bientôt profondément endormi. 
      Ai du moins compris pourquoi Balzac buvait cinquante tasses de café par jour.

    *

    30 septembre 1999.  

       La boulangère de mon village n'est pas une personne cultivée. Certes, elle s'honore en vendant un peu d'épicerie de dépannage sans abuser sur les prix ; mais elle n'est pas une personne cultivée. M'a vendu un litre de lait de la marque "Lescure". Lui ai glissé d'un air d'intelligence : 

    - C'est amusant. Le lait que je prends d'habitude à Intermarché s'appelle "le petit Vendéen".

      Elle n'a pas compris.

    *

    14 octobre 1999.  

      Relu la biographie par André Castelot du prince de Bénévent, Talleyrand. Le prince tenait en son hôtel table ouverte fastueuse, et l'on s'y bousculait avec empressement. 

      Le duc de Tarente, Macdonald, tenait également table ouverte. Sauf quelques enfants au goût encore immature, personne n'y venait tant c'était insipide. 

    *

    28 octobre 1999.

      Entendu un enregistrement de Jean-Yves Cousteau, expliquant la différence entre les deux grandes formes d'agression envers la nature. Le premier type est la pollution chimique : engrais, pesticides, marées noires, rejets industriels... Le second type est le bétonnage envahissant de kilomètres carrés de sites ainsi rendus irréparables. Selon Cousteau, la pollution chimique est réversible en cas de mesures volontaristes ; la nature alors la "digérera" avec le temps, et rien n'est perdu. Beaucoup plus irréversible, le bétonnage à ce titre est nettement plus grave. 

      Cela est brillamment raisonné, si ce n'est que le premier type tue et pas le second. C'est donc un discours écologiste que d'aucuns diront assez représentatif, en ce que la nature y passe apparemment avant l'humain sans que la chose embarrasse en rien son auteur.

    *

    12 novembre 1999.

      Les Ecologistes dénoncent le lourd retard de la France en matière d'éoliennes par rapport à l'Allemagne. Je confirme avoir vu dans cette nation un nombre impressionnant de lignes de crêtes saccagées par ces ustensiles. Cent mille éoliennes outre-Rhin, aucune en France.

      Et alors ? Pour autant notre retard n'est-il pas considérable. Réfléchissez : cent mille moulins à vent en Allemagne produisent zéro virgule zéro zéro zéro... pour cent de l'électricité totale. En France le chiffre plus rond est zéro tout juste. La différence entre les deux pays vaut donc zéro virgule zéro zéro zéro moins zéro pour cent, ce qui fait zéro virgule zéro zéro zéro... pour cent, ou encore le centième de zéro virgule zéro zéro zéro... Le retard français n'est en somme pas excessif.

    *

    26 novembre 1999.

      Je viens de revoir un vieux film dont je ne donne pas encore le titre.

      Peut-on délibérément tourner un film de voyeurisme sadique ? Sans doute, à condition de prévenir intelligemment les nombreuses protestations prévisibles - qui rempliront les salles. 

      Filmons complaisamment une troupe de Nazis commettant les pires atrocités. Nul ne protestera : il est naturel que des Nazis fassent des atrocités. Cependant il faut les punir. Le justicier peut alors sans causer aucun cri d'horreur égaler en abomination les coupables. Nul ne protestera non plus, puisqu'il faut bien châtier des Nazis. 

      Le tour est joué ! avec le tournage du Vieux Fusil.

    *

    4 décembre 1999

      Constaté un pas nouveau dans le perfectionnement du langage. Déjà nous avions la professeure et la procureure ; voici maintenant la prix Nobel, la mannequin et la témoin. Encore, encore !

      Lorsque j'avais l'honneur de servir sous les drapeaux, j'ai plusieurs fois reçu la mission de confiance de monter la garde, et ce d'autant plus souvent que j'avais l'esprit médiocrement militaire. On disait alors par exemple en parlant de moi : "Présentez-vous à la sentinelle", voire même "Vous remplacerez la sentinelle pendant qu'elle ira déjeuner".

      Je n'ai pas songé alors à exiger d'être le sentinelle. Les temps d'une part n'étaient pas mûrs encore pour ces évolutions ; et d'autre part je n'étais pas un vulgaire imbécile.

    *

    2 janvier 2000.  

      Vais me mettre à l'allemand et à l'apprentissage de sa lecture en lettres gothiques, afin d'étudier le code pénal. Le code allemand ? Non, non, français.

      La Cour de Cassation depuis peu (arrêt Fromm et alii, du 30 novembre 1999) confirme la validité en Alsace-Moselle des résidus du code pénal de l'Empire allemand, et donc la validité d'une condamnation pour offense à la religion. Les prévenus avaient perturbé une cérémonie dans la cathédrale de Strasbourg en s'emparant de la parole pour reprocher à l'Eglise ce qu'ils jugeaient être ses attitudes au sujet du sida. Le code pénal est assez démuni dans la France de l'Intérieur contre ce genre d'intervention : ce n'est pas une violation de domicile, pas une agression de personnes... tandis qu'en Alsace-Moselle Guillaume n'est pas tout à fait détrôné.

    *

    17 janvier 2000.

      Retrouvé par hasard dans une brocante le livre qui à neuf ans m'a rendu misogyne, avant que je devienne en fin de compte complètement alcestueux (ce qui ne m'aurait pas empêché, moi, de prendre au mot la Célimène de vingt ans consentant du bout de ses lèvres peintes à me suivre en mon désert).  

      A neuf ans je découvrais dans les placards d'une villégiature un manuel de morale pratique écrit par un bon prêtre à l'intention des jeunes gens. A une certaine page, l'auteur rappelait que l'être humain n'étant pas une bête, le jeune homme doit montrer pour la jeune fille et pour sa noblesse de future mère, un respect tout particulier. 

      Le lecteur pubère a compris le sens de la phrase : "pas touche pipi avant le mariage". A neuf ans, petit citadin sans télévision (et celle du général de Gaulle n'enseignait guère les enfants de ce côté-là), je n'ai naturellement rien compris. J'ai donc pris la phrase au premier degré. Ainsi donc, une différence purement accidentelle valait aux quilles à la vanille un respect tout particulier dont, avais-je beau tourner et retourner les pages du manuel, je ne trouvais pas la moindre contrepartie en faveur de mon sexe !

    J'en étouffai d'indignation.

    1er février 2000.  

       Le député réactionnaire de la seconde circonscription des Bouches-du-Tarn achevant une forte diatribe faisant des 35 heures la cause de tous nos embarras, ai pensé lui plaire en ajoutant :

    - Les 35 heures expliquent aussi pourquoi votre fille est muette.

      Il m'a regardé avec des yeux ronds :

    - Ma fille n'est pas muette ! 

    *

    13 février 2000.

      Benoîte Groult dans l'Express déclare éprouver pour les femmes entravées en talons-aiguilles et jupe serrée, la pitié qu'elle ressent pour les femmes voilées. Elle doit parler des femmes voilées qu'on voit par exemple dans quelques coins de Paris avec sur la tête une toile plutôt propre à faire des sacs industriels, et qui est visiblement destinée à effacer toute sensualité. Mais il est d'autres voiles. On voit aussi dans le même quartier des voiles arachnéens arabes ou hindous, rouges, roses, violets, rehaussés de perles et d'ors ; il faudrait que les mâles fussent des monstres d'ingratitude pour qu'inspirassent la pitié celles qui méritent assurément quelque rétribution sensuelle à porter pour eux lesdits voiles. Il s'est dit que l'érotisme est la chose au monde la plus mal partagée, certains sachant en faire une science sur laquelle ils ne publient cependant point, tandis que d'autres n'en ont pas plus que de gains au loto. Il n'est pas très sûr que le féminisme à partir d'un certain degré d'exigence façonne la seconde catégorie d'usagers.  

      Pourtant le même article est illustré hors texte (ce qui signifie que Benoîte Groult n'est pas nécessairement l'inspiratrice de cette illustration et l'auteur de sa légende) par la photographie d'une jeune femme se maquillant, avec cette légende : "la recherche de la beauté n'est pas en soi antiféministe".

      "Bien heureux de l'apprendre !" rirez-vous en songeant avec amusement aux personnes de l'Express assez soucieuses de prendre au sérieux l'émergence de quelques pauvres philosophies, pour avoir jugé le public dans la nécessité de recevoir cette précision !

      Eh bien je ne suis pas de votre avis. S'il existe des gens nageant assez dans les brumes du catharisme pour se demander si la beauté féminine et les impressions qu'elle communique aux hommes ne seraient pas dégradantes, je voudrais bien les voir décider que oui, rien que pour rire de pitié à les voir : 1) s'interdire la beauté ; 2) chercher des "hommes" à qui imposer leurs vues.  

    *

    2 mars 2000.

      De Gaulle et sa femme allant à la messe en province escortés du préfet local, quel mot d'esprit déplacé valut à ce fonctionnaire de l'être lui-même ?

    - Les Français sont dévots !

    *

    15 mars 2000.

      Lu dans un manuel de cavalerie de 1886 :

      "A qui appartiennent le cheval et l'équipement du cavalier ennemi prisonnier ?"

      "Ils appartiennent au cavalier ami qui a fait le prisonnier.

      "Le cheval et l'équipement du cavalier ennemi déserteur appartiennent-ils au cavalier ami qui a reçu la reddition du déserteur ?

      "En aucun cas ! Le cheval et l'équipement du déserteur restent de plein droit sa propriété ; ils sont dès lors placés sous la protection de son déshonneur et de notre mépris".

    *

    3 avril 2000.

      Découragé de voir les rats à mon domicile s'emparer impunément du fromage sur la tapette, alors même qu'elle est encerclée d'autres tapettes vides mais bandées, ai acquis pour plus de deux cents francs une superbe nasse de grillage. Plus d'échappatoire : puisque le rat attaque toute nourriture à sa portée, il entrera mathématiquement dans la nasse pour y déclencher mathématiquement le mécanisme qui fera retomber mathématiquement derrière lui la porte à guillotine. C'en sera donc mathématiquement fini des savons grignotés et emportés, des boîtes de lait découpées pleines, des yaourts dépecés, des bas de porte percés. 

      Pas un rat ne s'est fait prendre. La nasse fermée fait en revanche un excellent garde-manger : savon, lait, yaourts y sont derrière le grillage parfaitement à l'abri de la bête immonde.

    *

    13 avril 2000.

      N'en reste pas moins furieux de mon impuissance : m'enfermer moi-même dans la nasse à la place du rat ! C'est proprement faire comme ce pauvre Cousteau, inventeur de la cage de plongée anti-requins, en laquelle il s'enfermait lui-même dans les mers infestées, lorsque toute autre personne dotée d'un peu d'amour propre y aurait naturellement enfermé les squales. 

      Ai tenté le 24 décembre dernier un blé rouge raticide. "Pour le réveillon", ai-je dit à la vendeuse, "Je voudrais offrir quelque chose de bon aux rats que j'ai chez moi ; que me conseillez-vous ?"

      Ouvert donc un des sachets transparents de blé qu'elle m'a recommandés ; garni une jolie soucoupe en limoges ; et comme de bien entendu pas un rat n'a touché au medianoche mis en évidence sur son passage. Découragé, ai pris conseil d'un autre vendeur.

    - Vous avez négligé la psychologie du rat ! s'exclame-t-il d'un air pontifiant.

    - Ah, vous croyez ?

    - Pourquoi pensez-vous que le blé empoisonné est vendu en petits sachets ? Le rat est trop méfiant pour manger ces grains de couleur qu'il n'a jamais vus.

    - Et vous osez les vendre ?!?

    - Oui ! en sachets transparents ! Pour faire oublier au rat sa méfiance, il faut lui permettre d'assouvir ses deux passions qui sont le vol et la destruction. Manger sur place un repas tout prêt ne l'intéresse pas beaucoup. Tandis que s'il peut soustraire frauduleusement, comme disent nos magistrats, le sachet pour le déchiqueter ! Le contenu pour lui en acquiert cent fois plus de prix ! Vous verrez !

      Cela a marché du premier coup. Aurai appris quelque chose sur la richesse du psychisme des meilleurs amis de Reiser. C'est un peu faible comme chute, mais l'historiette n'en était pas moins instructive.

    *

    27 avril 2000.  

      Vous connaissez la vieille blague russe :  un bolchévique incite à la révolution et promet : "Camarades, vous ne mangerez bientôt plus du pain, mais du caviar !"  La révolution est faite, et quelques années plus tard le programme rouge est déjà accompli à moitié : si les masses n'ont pas encore de caviar, déjà n'ont-elles plus de pain(1).

      M. Madelin propose une révolution dans la fonction publique : il demande qu'il y ait moins de fonctionnaires, mais mieux payés.

    *

    4 mai 2000.

      Ai bien injustement chagriné un Témoin de Jéhovah en le prenant pour un Ecologiste avant de comprendre les causes de cette confusion. Certaines similitudes entre le raisonnement scientifique des Témoins et des Ecologistes m'a induit en erreur. Les Témoins de Jéhovah démontrent scientifiquement qu'il n'est pas scientifique de croire aux preuves "scientifiques" selon quoi la Terre aurait plus des six mille ans que lui attribue la bible (2). Les Ecologistes exposent qu'après avoir supprimé le nucléaire qui est radioactif, le pétrole, le charbon et le gaz qui font de l'effet de serre, les retenues d'eau qui sont des catastrophes écologiques et même humaines (il a fallu déménager dans le Massif central un village ancestral typique et tous ses habitants britanniques), il conviendra d'engager une politique sociale forte et volontariste. Or je préfère de loin les idées folkloriques inoffensives aux programmes concrets où la raison n'a nulle part. Mes excuses au Témoin ne furent pas de trop.

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    22 mai 2000.

      Une Etasunienne de passage dans une émission de France-Inter se lance dans une tirade indignée sur le sort des prisonniers français. Il n'y a jusque là vraiment rien à lui reprocher. 

      Elle ajoute que les droits des prisonniers français seraient honteusement inférieurs à ceux des prisonniers des Etats-Unis. Elle a peut-être raison. 

      Elle semble pourtant négliger le fait que le taux d'incarcération étasunien valant six fois le taux français, cinq prisonniers français sur six disposent du droit de rester libres plutôt qu'incarcérés même dans une prison où ils jouiraient des droits supérieurs des prisonniers étasuniens.

    *

    1er juin 2000.

      Avez-vous remarqué comme on rencontre (en Zborzjénie) des colonels en retraite à tous les coins de rue ? Leur armée de taille modérée n'a pourtant pas tant de régiments, dont chacun n'a qu'un colonel en dotation. Admettant qu'il survive une demi-douzaine de colonels en retraite pour chaque colonel d'active, on ne devrait pas en rencontrer autant qu'il en existe. En dépit des sentiments d'ivrogne que j'ai faits en introduction sur les sujets militaires (parler d'autre chose), j'ai voulu éclairer ce paradoxe. 

      Je vous révèle ainsi qu'il existe (en Zborzjénie) deux sortes de colonels en retraite, le vrai et le faux ; or aucun détail ne les distingue en tenue bourgeoise, si ce n'est un faciès moins expressif pour le second.

      Un  vrai colonel (zborzjène) a réussi le concours de Saint-Cyr (en qualité d'élève étranger), puis dans les mêmes conditions celui de l'Ecole de Guerre. Il a fait une carrière d'officier supérieur s'achevant par un commandement effectif de colonel. Il a brillé trente ans dans les salons entre noblaillons et rombières, sous-préfets et prélats divers (le sous-préfet se distingue d'un militaire par son uniforme d'opérette d'Offenbach). 

      Le faux colonel (zborzjène) n'est quant à lui rien de plus qu'un vieux capitaine sorti du rang, et pas particulièrement talentueux. On l'a fait passer officier juste à temps pour lui éviter la porte, puis chef de bataillon sur ses quarante-huit ans en récompense de trente ans d'obéissance apathique et d'effacement au mess dès qu'entrent les vrais officiers. Dix-huit mois plus tard il recevait son bâton de maréchal sous la forme d'une paire d'épaulettes de lieutenant-colonel, puis était rangé six mois encore sans commandement dans un placard jusqu'à la retraite. Comme de droit, il se fait appeler depuis : "mon colonel".

      Le vrai colonel est une notabilité locale décorative, à l'esprit pétillant comme du Champagne ; le faux restera pour les connaisseurs un mousseux quelconque, un capitaine déguisé. 

      J'espère avoir été utile au dépoussiérage du carnet de relations mondaines de quelques Zborzjènes. 

    *

    12 juin 2000

      (mais écrit au réveil d'un rêve prémonitoire sur la situation de la France huit ans plus tard). 

      France, fille aînée de l'Eglise ! France, tes chefs d'état sont faits par le pape chanoines de Saint-Jean-de-Latran ! Charles de Gaulle et son épouse Yvonne ; Georges Pompidou et Claude ; Valéry Giscard d'Estaing et Anne-Aymone ; François Mitterrand et Danièle ; Jacques Chirac et Bernadette... Autant d'hommes restés leur vie durant avec la femme épousée à l'église dans leur jeunesse ; autant d'hommes en accord avec la tradition et la culture catholique de leur pays, et dont pourtant pas un seul n'a pensé à honorer son état de dignitaire du Vatican en promouvant ouvertement la supériorité de la croyance sur son triste contraire ! 

    *

    3 juillet 2000.

      Ai retrouvé dans une caisse un roman de Benoîte Groult que j'avais tenté de lire vers 1985. Le premier chapitre m'a surpris agréablement : voilà une histoire sur fond d'un érotisme gai, pétulant, point vulgaire, point lourdingue, et même, chose rare en érotisme, d'un genre presque nouveau. Au second chapitre, ai souri en disant : "Tiens ! Elle continue !". Au troisième, ai froncé un sourcil intrigué : "Elle continue encore ?...". Au quatrième j'ai refermé l'ouvrage. J'affectais la mine du papa à qui son enfant découvrant les choses de la vie vient chantonner "Jeanneton prend sa faucille" en se figurant qu'il va la lui faire découvrir. 

      J'entends par ailleurs à l'émission radiophonique le Masque et la Plume une dame critique de cinéma dire en substance : "On voit dans ce film une femme nouant amoureusement sa cravate au cou de son mari ; c'est d'un érotisme extrême". 

      Ah, bon... Ah, bon-bon-booon... bon-bon-booooooonnnnn... C'est d'un érotisme extrême... Il suffisait donc de s'expliquer entre sexes ! et de lire en la matière chacun plutôt la littérature écrite par des gens du même sexe que soi. Oui, je sais, ces considérations ne paraissent pas modernes. Eh ben tant pis.

    *

     

    21 juillet 2000.

      N'ai pas voulu laisser tomber dans l'oubli tous mes souvenirs militaires d'appelé, bien au contraire. Ainsi ce vieil adjudant-chef entrant dans mon bureau, probablement éméché, pour me glisser d'un air finaud:

    - Soldat ! Je n'ai rien dit tout à l'heure, dehors, quand vous m'avez dépassé à pied sur le trottoir de la grande cour. Seulement, je vous fais remarquer qu'un inférieur n'a pas le droit de dépasser un supérieur !

    - Je suis aviateur de première classe, mon adjudant-chef, ainsi que votre subalterne. Je vous demande pardon, mais j'ai lu pour meubler mes dimanches les manuels d'instruction militaire ensevelis dans les placards du service. J'avais parfaitement le droit de vous dépasser. 

    - Comment ?!?

    - Certainement, même si je reconnais avoir manqué au respect des formes prescrites, de crainte d'être, même ici, reclassé P4. Un subalterne peut donc dépasser un supérieur en agissant réglementairement comme suit :

      "Parvenu six pas derrière le supérieur, le subalterne presse le pas pour se porter vivement à la hauteur du supérieur ;

      "Là, tout en marchant, il adopte la position du salut, regardant droit devant lui, sans détourner la tête, et continue de presser le pas afin de distancer rapidement le supérieur ; 

      "Ce faisant, il conserve la position du salut six pas encore". (3)

      L'adjudant-chef s'en est reparti sans commentaire explicite, quoique maugréant des propos décousus et mal audibles, où il semblait être question de Pernods en trop et d'hallucinations auditives.

    *

    2 août 2000 

       Assisté à l'arrestation pour escroquerie de mon voisin. Vendait des chats de gouttière pour des tigres bonsaï  

    *

    15 août 2000.  

      Souvenirs, souvenirs... 

      Etendu sur le dos dans l'herbe estivale de ce 15 août, je relis d'un oeil distrait pour ma culture générale le Petit-Classique Polyeucte qui m'a valu jadis les plus cruels déboires. Retour aux salles du lycée en 1970 :
     

    Acte Premier

      Madame Dubois, professeure de français (ha ha ha !), donne pour sujet de dissertation : "le sublime dans Polyeucte".   

     Acte Second

      Prêt pour ses croyances à affronter tous les pouvoirs humains, Ruthénium proclame devant ses camarades que, catholique convaincu, il exècre Polyeucte dont les risibles outrances provoquent les moqueries assez justifiées de ses petits amis sans religion. Madame Dubois ne dit ni oui, ni non, et répond que le devoir sera rendu mercredi en quinze.

    Acte Troisième

      Conformément aux canons de la tragédie classique, nous sommes au paroxysme de l'action. Après avoir jeté sur le papier quelques inepties délibérées pouvant à la rigueur passer pour des maladresses (ainsi : "Polyeucte est un peu sublime"), certes inattendues du littéraire que sa professeure de latin voulait présenter au Concours général en ignorant qu'il était passé maître dans le repérage des références de traduction dans le Gaffiot ; maladresses soulignées par madame Dubois d'un trait rouge ondulé, Ruthénium emporté par sa foi ne connaît plus de retenue. Il ose, à la face de madame Dubois, écrire n'avoir jamais pu assister à une tragédie classique sans bailler à Corneille (annotation en rouge de madame Dubois : si vous croyez que j'ai le temps de lire de pareilles stupidités !!). Il poursuit, renversant les idoles du Grand siècle, car il cite ce vers authentique de Polyeucte (le personnage) à Pauline, sa fiancée idolâtre :

    J'aurais pu, madame, réglant mes feux sur les vôtres

     et commente tout aussitôt qu'il avait échappé jusque là à l'exégèse que Polyeucte fût équipé d'un thermostat.

      Ruthénium ne connaît plus de retenue... pour l'instant ; car...

    Acte Quatrième

      En dérogation à l'unité de temps, c'est trois semaines plus tard que Ruthénium refait un samedi matin sa dissertation (notée zéro, ce qui vaut à madame Dubois le souverain dédain d'un élève bien au-dessus du maître) dans une salle déserte du lycée de Châlons-sur-Marne, une salle deux fois déserte, en quelque sorte, avec pour tout confident un pion empêché de partir en week-end.

    Acte Cinquième

      Il n'y en a pas. Madame Dubois n'est ni ne sera pardonnée. Les congés de Pâques survenant un peu après, Ruthénium demandait courtoisement à madame Dubois, qui refusait d'un geste de mépris la main tendue, si elle irait faire du ski.

    *

    16 août 2000.

      Souvenirs, souvenirs...

      Polyeucte achevé le lendemain a glissé dans l'herbe où d'ailleurs je l'oublierai en me relevant, pour en retrouver au printemps suivant les restes décharnés. Fermant les yeux je me rappelle deux autres joyeusetés des premières années 70, deux courriers administratifs comme il serait dommage qu'on n'en fît plus.

      Le premier était adressé à un professeur d'histoire spécialiste des relations sociales de la première moitié du XXème siècle et, si surprenant que cela pût paraître aux gens de peu, détaché de façon parfaitement régulière pour y rédiger sa thèse d'état au CNRS, le Centre National de la Recherche pourtant Scientifique qui abrite aussi comme l'on voit les disciplines de moindre intérêt. Vous l'ignoriez ? Apparemment cet organisme ne le savait pas plus que vous ; en effet...

      Qu'on juge de la physionomie du professeur à réception d'une missive ainsi conçue :

      "Monsieur,

      "Nous vous avions enjoint de ne plus vous approvisionner en hélium liquide à l'Atmosphère Liquéfiée, mais à la société Troudair qui consent au CNRS un rabais de 30% sur cette fourniture. 

      "Mais en dépit de nos objurgations, vous avez continué à passer des commandes auprès de l'Atmosphère Liquéfiée. En conséquence, nous avons le regret de vous informer que le CNRS à l'avenir n'acquittera plus vos factures d'hélium."

      Mais voilà qu'une de ses collègues recevait peu après de la gendarmerie une lettre bien plus comminatoire, authentique encore :

      "Madame, 

      "Vous êtes possesseur d'un véhicule Renault de type R6 et de teinte dominante vert sombre.

      "Or l'Armée de Terre a choisi les automobiles de ce type et de cette couleur pour assurer ses fonctions auxiliaires et autres servitudes en temps de guerre.

      "En conséquence, vous devrez en cas de guerre apporter sans délai votre véhicule R6 à la gendarmerie la plus proche de votre domicile dès la mobilisation proclamée. Vous devez l'avoir conduit avec le plein de carburant fait, et, nous soulignons ce point, avant seize heures."

    *

    19 août 2000

      Relu le récit de la rencontre du 8 janvier 1968 à l'université de Nanterre entre Daniel Cohn-Bendit et le ministre de la Jeunesse et des Sports François Missoffe. Très soucieux de bien faire, François Missoffe avait produit un épais livre blanc sur les problèmes de la jeunesse et croyait à sa mission. Las, les mieux intentionnés restent liés à leur temps et peuvent découvrir soudain qu'ils sont tout bêtement dépassés. 

      Cohn-Bendit l'apostrophe en lui signifiant que son fameux livre blanc ne contient pas une ligne sur la sexualité. Le ministre s'agace ; il finit par lui conseiller de piquer une tête dans la piscine à quelques pas de là, et d'ainsi régler ses problèmes. La France presque entière applaudit à l'esprit de répartie du ministre : mouché, le sale môme ! Allez, hop ! A vos livres, monsieur l'étudiant !

      Le drôle de l'affaire est que sa répétition de nos jours ferait rire encore la France entière, mais du ministre.       

    *

    23 août 2000

      Lu dans une revue à vocation familiale un article : "les dix indices dont chacun pris isolément prouve irréfutablement que votre enfant se drogue". Chacun de ces indices témoigne selon l'article d'un comportement de toxicomane car, est-il écrit, aucune autre explication n'existe à leur découverte. L'un des indices est la découverte dans les tiroirs de l'adolescent de petites cuillères calcinées à la flamme : elle servent à fondre à la chaleur d'une bougie l'héroïne dans l'eau pour se piquer. 

      Ma mère avec beaucoup de mécontentement trouvait à répétition ses petites cuillères brûlées dans mes tiroirs. Dans notre vieille maison je détachais des angles des murs les restes de canalisations de plomb hors service, les découpais aux sécateurs de jardin en petits morceaux, les fondais sur le gaz dans des petites cuillères et m'amusais à collectionner les lingots ovales ainsi fabriqués. Il doit m'en rester deux ou trois quelque part. 

    *

    2 septembre 2000.

    - Comment écrivez-vous le nom de cette revue scientifique anglaise que vous prononcez : "nétcheure"?

    - Je l'écris : Nature.

    - Et cela veut dire en anglais ?

    - Nature.

    - Pourquoi ne dites-vous pas Nature ?  

    *

    9 septembre 2000.  

      Le saviez-vous ? Il arrive à Jacques Chirac de dire des inepties ; mais comme c'est un politique, il faut qu'elles aient l'air de traits d'éloquence. De fait il y réussit probablement, sauf avec moi qui n'ai plus qu'à reprendre mon bâton de pèlerin pour dessiller vos yeux. 

      Voici donc Jacques Chirac parlant avec enthousiasme d'une sportive ayant gagné trois médailles aux jeux olympiques, une de chaque métal. Je sais qu'il y a ici quatre ans d'anachronisme, mais j'ai averti en préambule que des raisons techniques pouvaient conduire à de tels inconvénients. Jacques Chirac proclame donc : "Elle a raflé l'or, l'argent et le bronze !"

      Comment peut-on émettre de telles incohérences ? Ah ! Si elle avait raflé les trois médailles d'or, comme Killy ! Mais pas du tout : elle s'est contentée de deux autres places plus modestes. Rafler veut dire : tout emporter. Dans la mesure où il n'est possible d'avoir par épreuve qu'une sorte de métal par personne, rafler aux JO veut donc bien dire faire comme Killy. On peut se vanter aux JO d'avoir raflé tout l'or ; il est idiot de dire qu'on a raflé les métaux inférieurs, ce qui implique qu'il a fallu laisser le reste de l'or.

      Jacques Chirac ne réfléchit pas ? Et vous, devant l'urne ?

    *

    13 septembre 2000.

      La voûte de l'église Santa Maria de Forteloupe (Mexique) s'est effondrée durant l'office du jeudi saint en tuant deux cents soixante-dix neuf des deux cents quatre-vingt deux fidèles assemblés. 

      Trois petits enfants de deux à quatre ans échappés à la surveillance de leurs parents s'étaient cachés par jeu dans une chapelle latérale sous un autel de la Vierge. La résistance de l'autel de pierre massive les a protégés des chutes des morceaux de la voûte. On les a retrouvés orphelins, mais indemnes.

      Devant ce miracle, une immense procession de remerciement à la Vierge a pris aussitôt possession des rues de Forteloupe.

    *

    16 septembre 2000.

       Suis tombé de nuit dans une ruelle d'une petite ville tchèque sur une affiche représentant le Pen ! en compagnie d'une autre démocrate qu'on appelle Sladka. Compulsé mon dictionnaire de poche tchèque/français acquis le jour même dans le but justement de décrypter les inscriptions diverses.

      L'affiche proclame "Le Pen soutient Sladka". 

      Cocorico !  Imaginez sur nos murs : "Sladka soutient le Pen"... Bôf !
     Décollé l'affiche pour la rapatrier et la montrer à mes amis comme témoignage du rayonnement de la politique française, jamais démenti depuis Clovis et Jeanne d'Arc. Pourtant, c'est incroyable ce que l'arrachage d'une affiche à 22 heures dans une ruelle déserte d'une petite ville tchèque peut émettre de décibels. Pris la fuite sans attendre, mais avec mon trophée.

      Tombé juste en face sur des latrines publiques, chose non moins utile en somme que l'affichage sauvage des démocrates. Sorti encore mon dictionnaire pour traduire la mention sur la porte : "WC bez papletku".
     

      Supposé que "WC" signifie "WC" et vérifié que "bez" veut dire la même chose qu'en russe et polonais dont je sais trente à quarante mots, c'est-à-dire : "sans". Pas de "papletku" au dictionnaire, mais déjà remarqué ailleurs l'étonnante différence entre le nominatif et le génitif des substantifs tchèques. Supposé que "bez" commande le génitif, ce qui s'avère en effet. Supposé que "papletku" est le génitif de "papir", papier. 

      Le touriste francophone est ainsi charitablement averti qu'il entre dans des WC dépourvus de paplet-ku !

      Et pourtant, juste en face...

    *

    23 septembre 2000.

      Retrouvé une cassette enregistrée en 1984 sur les ondes courtes que j'écoutais volontiers la nuit pour le plaisir jamais épuisé de la phraséologie mécanique des pays socialistes. Ce soir-là j'ai eu Hanoï. Mais faites silence : dans la nuit viennent à nous les voix d'espérance des peuples opprimés (sans doute ; mais par qui ?) :

      Alternent en changeant de paragraphe la voix d'un speaker et d'une speakerine. Les "............." dans le texte correspondent à des mots ou groupes de mots inaudibles ou noms propres inconnus.

      (débute par un choeur de jeunes filles sur une musique orientale)

    .............  Chinois, Français, Japonais. En 1965 les impérialistes américains qui occupaient encore la moitié de notre pays déclenchèrent contre le Nord un agression aérienne n'épargnant même pas notre capitale. En novembre 1972 les sauvages bombardements opérés par les super-bombardiers B-52 contre Hanoï visant les quartiers populeux et massacrant sauvagement la population ont révolté la conscience humaine.

      Oui, je me rappelle bien ces sombres journées de décembre 1972. Durant douze jours et douze nuits consécutifs, l'US Air Force déclenchait contre Hanoï un formidable "blit kric" dans l'ultime but de contraindre notre peuple à capituler. Pour la première fois des hordes de B-52 se sont ruées sur les quartiers populaires de Hanoï et déversèrent en l'espace de douze jours l'équivalent de deux bombes atomiques................ Hiroshima............... parlaient alors de sanglantes fêtes de Noël à Hanoï.............. En l'espace de douze jours seulement, l'Administration américaine a perpétré au Vietnam d'innombrables Oradour, Lidice, Guernica, Coventry.

       Une fois de plus Hanoï s'est montrée digne d'être la capitale d'un peuple héroïque. Pour la première fois, les super-bombardiers B-52 qui constituaient alors l'atout et la fierté de l'US Air Force, on été abattus comme des mouches. Plus de trente appareils de ce genre ont été abattus par les défenseurs de Hanoï sans compter les quantités d'autres jets modernes comme les F-111, F-105, F-4 et c'est le plus grand échec stratégique jamais infligé aux forces aériennes stratégiques américaines et qui achève de briser le mythe de l'invincibilité de l'US Air Force !

      Au plus fort de la guerre de destruction américaine contre Hanoï, le compositeur.............. a écrit la chanson : "Hanoï symbolise notre foi et notre espoir". je vous invite maintenant à écouter cette chanson interprétée par...............

      (nouveau choeur de jeunes filles)

    4 octobre 2000.

      France-Inter entame le siècle tout proche sur les chapeaux de roues en nous montrant ce qu'il sait faire :

      Une Gitane, une "gens du voyage", si vous tenez absolument à remplacer par du tarabiscotage verbal moderne des termes que rien n'a dépréciés, explique avec plaisir et candeur, naturel et gaîté, le déroulement dans son peuple des fiançailles traditionnelles.

      Le jeune homme enlève sa future et disparaît avec elle des semaines ; telle est la tradition. Lorsqu'ils réapparaissent, les parents de la belle feignent le scandale, car c'est la tradition : "Voleur ! Satyre ! Tu as déshonoré notre fille !", etc. A quoi le garçon réplique vertement, conformément à la tradition : "Taisez-vous ! Je la prends pour femme que cela vous plaise ou non !"   Les parents doivent alors selon la tradition s'exclamer avec admiration : "Quel homme ! Quelle détermination ! Tu es bien digne de notre fille !"

      Nous dirions que cela est charmant, mais France-Inter est progressiste et voit autrement. La narratrice est interrompue par la journaliste qui la presse d'un ton inquiet :

    - Mais vous avez bien conscience, n'est-ce pas, qu'il s'agit d'une coutume machiste ?

      C'est cela, France-Inter, du premier janvier au trente-et-un décembre !   

    *

    11 octobre 2000.

      Toujours pas de réponse à ma suggestion faite il y a un an jour pour jour à Jean-Paul II de prononcer la béatification de Laïka, l'une des victimes les plus connues du communisme. 

    *

    15 octobre 2000.

      Lorsque France-Inter fait dans l'écologie, la synergie de ces deux formes de modernité peut culminer à d'étonnants sommets. Ainsi l'écologiste en chef de la station nous tient-il à peu près ce langage :

      "Vous qui pour rafraîchir une pièce par les canicules achetez contre tout esprit citoyen un climatiseur à roulettes (cela consomme de l'énergie ; missa est), vous serez bien attrapés ! Le vendeur ne se vantera pas de ce que le gros tuyau d'évacuation des calories est bien obligé de sortir de la pièce par la fenêtre qu'il faudra bien ainsi laisser "entrouverte" de quinze bons centimètres sur toute sa hauteur ! Jugez des volumes d'air brûlant qui pénètrent depuis la fournaise de la rue... Déduisez le misérable solde de fraîcheur susceptible de rester peut-être dans la pièce ! et toc ! Vous n'aviez qu'à ne pas investir dans cette chose que les écologistes détestent comme le péché, au lieu d'embellir plutôt votre demeure d'un chauffe-eau solaire !" 

      Le professeur Einstein, le professeur Charpak, le professeur Sakharov et le professeur Oppenheimer se sont concertés pour voir si quelque solution n'existerait pas à ce redoutable problème, autrement plus difficile à résoudre que la quadrature de Fermat (je parle exprès ici comme un écologiste de culture typique). Ayant écarté un percement du mur parfois mal vu du propriétaire, les quatre prix Nobel ont trouvé une réponse qui laisse pantois les gens ordinaires. Il suffit (ce que l'auteur n'a pas manqué d'appliquer chez lui sans délai) de déposer une vitre inférieure d'un des battants de la fenêtre bien close, et de la remplacer pour quelques semaines par un contreplaqué de mêmes dimensions, découpé à la scie sauteuse d'un rond du diamètre du tuyau du climatiseur. Si ce n'est pas très joli, cela évite un mois à 38° le jour et 34 la nuit en dépit de France-Inter.

    *

    30 octobre 2000.

    - Vous êtes baron d'où ça ? a-t-on demandé à Antoine Seillère.

    - De nulle part ; je n'ai pas de fief particulier, à part la France."

    *

    3 novembre 2000

      Le Crozère est l'un de nos plus beaux départements tant ruraux que touristiques, et à part cela prétendument en déshérence. Le Conseil Général agacé a tenu à publier une mise au point :

     

      Il y a ceux qui disent : "Je n'irai pas chercher une fiancée dans la Crozère : les vaches là-bas sont mieux tenues que les filles"

      C'est excessif. Il y a de très jolies femmes en Crozère. Ah, pas toute l'année, bien sûr ; mais beaucoup en juillet/août.

      D'autres prétendent que la Crozère est encore au moyen âge pour les salaires féminins. C'est faux ! Les entreprises locales en remontrent au contraire à la France entière en fait de parité : de nombreux employeurs en dépit d'une conjoncture régionale difficile donnent quand même le SMIC à leurs salariés masculins ; et ils ne donnent pas moins aux femmes.

      Certains prétendent : "Si je tombe malade en Crozère, je me fais immédiatement évacuer". Ils auraient tort : vu le nombre de jeunes médecins installés dans le département, c'est ici qu'on a la plus forte probabilité de toute la France d'être soigné par un praticien de trente à quarante ans d'expérience.

      On entend dire à des Parisiens : "J'achèterais bien une résidence secondaire dans la campagne crozéroise, mais j'hésite parce que même pour quinze jours par an je veux pouvoir m'intégrer et parler aux voisins ; seulement, je ne veux pas apprendre le patois".

      Quelle idée ! Personne n'a besoin de savoir le Patois pour s'intégrer dans les villages de la Crozère. La pratique de l'anglais courant est en revanche indispensable.

    *

    16 novembre 2000

      Entendu sur France-Culture un extrait d'une symphonie contemporaine dont la première partie est constituée d'une note unique et monocorde soutenue vingt minutes. France-Culture n'a malheureusement passé qu'une seule minute : je soupçonne le responsable d'avoir cédé à la peur des réactions des béotiens. Les vingt autres minutes de la symphonie sont faites d'un silence complet. Aux dires des connaisseurs, cette seconde partie serait la plus forte de l'oeuvre. 

      Un recours du public est-il possible devant les tribunaux ? Quoi qu'il en soit l'art contemporain est pareil à la foi : on peut être persuadé de sa valeur et pourtant dans l'impossibilité de la prouver à quiconque. Avez-vous ri de la symphonie ? En ce cas, plusieurs sous-cas :

    - ou bien vous avez raison d'en rire, dans l'absolu et dans tous les cas ;

    - ou bien vous avez tort d'en rire, dans l'absolu et dans tous les cas ;

    - ou bien vous avez soit tort, soit raison d'en rire ; mais le tort ou la raison ne dépendent pas de vous, à qui on ne demande pas votre avis ; cela ne dépend que de la sincérité de l'artiste :
    a) ou bien c'est un farceur et vous avez raison de rire ;
    b) ou bien il a composé son oeuvre dans la sincérité artistique ; j'entends une oeuvre exactement identique à celle qu'un farceur eût composée sans éprouver de sincérité artistique ; et en ce cas bien entendu vous avez tort de vous moquer.

      La symphonie d'une note n'est cependant qu'une étape sur le chemin de l'identification de l'ensemble des notes d'une oeuvre musicale à l'ensemble vide. Si vous avez ri à l'évocation de la symphonie monotonale, vous êtes presque aussi sot que Stravinsky. On se souvient qu'en 1952 l'Etasunien John Cage faisait jouer son morceau intitulé 4'33" : le titre donne la durée du silence complet allant du début à la fin ; et attention : il y a trois mouvements ! Bref, Stravinsky suggéra que l'auteur donnât d'autres morceaux identiques, mais plus longs. 

      Crétin ! 

    *

    23 novembre 2000.

      La radio passe un document resté trop longtemps ignoré. Pétain rencontre des adolescents et s'adresse à l'un d'eux : 

    Pétain (paternel et bienveillant) : Et vous, jeune homme, à quelle profession vous destinez-vous ?
    Garçon  
    (excité par l'honneur qu'on lui fait) :  Aviateur, monsieur le Maréchal !
    P. 
    (attentif et un peu sévère) :  Aviateur... Et dites-moi ; avez-vous retenu votre appareil ?
    G. 
    (effaré par son inconséquence) : Non, monsieur le Maréchal !
    P. 
    (rêveur et sentencieux) : C'est une erreur... Les modèles changent tout le temps, voyez-vous, alors il faut réserver son appareil...
    G. 
    (effondré) : Oui, monsieur le Maréchal ! 

    *

    3 décembre 2000

      Visité non sans recueillement Peenemünde, la base d'expérimentation des fusées V2. S'y trouve en bonus un sous-marin soviétique réformé de quatre mille tonnes. On pénètre par la poupe et ressort par la proue après avoir payé cinq euros et traversé une dizaine de compartiments étanches. On passe de l'un à l'autre à travers un trou d'homme de moins d'un mètre de diamètre et dont le bas est à trente centimètres du plancher. Devant moi, une famille localeène, composée d'un père banal, d'une mère moche et d'un joli petit garçon probablement destiné à devenir banal et moche. Un petit Mozart en cours d'assassinat, si l'on veut. Tout à fait le genre de famille à regarder la télévision en mangeant.

      Représentez-vous trois grenouilles passant à travers un orifice circulaire pratiqué dans un carton vertical touchant une table, se tortillant et agitant les pattes de derrière de façon curieuse tandis que le tronc est déjà de l'autre côté : vous avez l'image des membres de la famille traversant laborieusement le trou d'homme. 

      Fait de même au premier passage. Au second, refusé de poursuivre de manière si risible. La clarté, la netteté, la précision du français permettent à qui pense en cette langue de réfléchir logiquement :

    - Il existe forcément à l'usage des matelots un moyen plus commode de passer !

      Si j'avais comme vous tous la télévision, j'aurais vu des films de guerre sous-marine qui montrent comment procéder, mais je ne l'ai pas. Mais eurêka ! A l'aplomb de l'ouverture se trouve une forte barre d'acier. Laissé passer les batraciens. Saisi fermement à deux mains la forte barre. Exercé sur les deux bras une légère traction ("hop !") ; lancé les deux pieds joints en avant à travers le trou d'homme et lâché la barre pour laisser le corps, les bras à la traîne, en filant dans les airs suivre les pieds ("dzzziouuu !") ; touché fermement terre de l'autre côté sur les tôles du plancher ("sblonng !") ; redressé fièrement le corps en faisant des bras le vé de la victoire ("olé !").

      Le père banal se caresse la barbe et commente dans son idiome son intérêt éveillé (je traduis) : "Tiens tiens !"

      Mozart me pointe du doigt en s'écriant avec un rire séduit et convaincu (je traduis encore) : "haaaaa !..."

      La mère moche détourne le regard en grommelant dans sa langue à l'intention de son malheureux enfant : "nonnonnonnonnon !..."

      Que peut décemment faire le malheureux père dans ces conditions ? Au trou suivant il suit comme elle la mère moche qui feint de ne pas me voir, et s'empresse de faire passer devant elle ses enfant et mari en grenouille. Les laisse faire ; puis :

      Hop ! Dzzziouuu ! Sblonng ! Olé !
      Sept autres passages de cloisons étanches. Toujours le même scénario :
      Passage des grenouilles. C'est long...
      Hop ! Dzzziouu ! Sblonng ! Olé !
      Grenouilles. On n'avance pas !...
      Hop ! Dzzziouuu ! Sblonng ! Olé !... Hop ! Dzzziouuu ! Sblonng ! Olé !... Hop ! Dzzziouuu ! Sblonng ! Olé !... Hop ! Dzzziouuu ! Sblonng ! Olé !
      Hop !... (etc., jusqu'à la proue).

      Comme pouvait lire ma maman dans son adolescence sur les pages de Suzette et le bon ton : "Ayez toujours à l'esprit, Suzette, qu'à l'étranger vous êtes regardée comme représentant la France."

    *

    16 janvier 2001.

      Lu au dos d'un roman nouveau : "Que diriez-vous d'une femme inconnue que vous trouveriez dans le placard de votre salle de bains ?"  

      Eh bien, cela dépendrait surtout de comment serait cette femme. Serait-elle d'une certaine façon, alors je lui affirmerais qu'elle peut disposer à sa convenance du placard et de ses dépendances ; qu'elle peut escalader et dévaler les étagères, et jouer à Jane en sautant d'un portemanteau à l'autre comme de liane en liane. Je lui retiendrais pour tout loyer l'obligation de quitter son domicile de temps à autre pour me tenir un peu compagnie, après quoi elle réintégrerait ses pénates jusqu'à la prochaine fois. Une femme dans un placard, ne le quittant que pour ce qu'il faut, et ne se mêlant en rien des affaires de mon petit ménage ! Le rêve...

      Si pourtant cette femme était d'une autre façon, j'appellerais aussitôt le personnel de force de la maison de repos la plus proche. Ah, mais ! On est tout de même chez soi. Sur quoi je vous laisse à vos études littéraires.

    *      

    3 février 2001

      Encore une illustration du "racisme à l'envers" qui consiste entre autres à porter aux nues des comportements odieux ou simplement absurdes dès qu'ils sont le fait de populations présumées opprimées. Appris dans Pour la Science qu'en Californie les langues amérindiennes que sont le nisenan, le mivok et le juaneno ne sont plus parlées chacune que par 1 locuteur. Moi, je suis français, blanc et catholique ; par comble de malchance mes parents n'étaient pas pauvres. Résultat : lorsque je parle tout seul, on se moque de moi.

    *

    17 février 2001.

      Un amiral français vient parler à la radio du navire de la Pérouse, retrouvé et exploré. Le journaliste a un peu de mal à lui faire dire que la Pérouse fut sans doute mangé par les personnes des antipodes ; l'amiral en s'y résignant ajoute aussitôt, et cette fois avec un sourire qui passe à la radio, que Cook fut mangé lui aussi, bien, souligna l'officier général à la mer, qu'il fût anglais !

      Il est certain qu'à la table dominicale, de l'Anglais servi froid à la sauce à la menthe arrosé de bière tiède, et préparé de la veille pour le respect du dimanche anglican, voilà bien du manger pour peuples premiers. 

      "Cook was cooked" aurait dû clairement conclure l'amiral. C'est moi qui le fais à sa place. Moi, je peux me le permettre. Moi, je ne suis pas un amiral français héritier de ses pairs de 1940, à l'anglophilie si proverbiale et combien fructueuse !

      Quelques Exocet quarante-deux ans plus tard rééquilibrèrent un peu les comptes, c'est entendu.

     2 mars 2001.   

      Lu ce matin qu'un gros reproche fait aux Anglais à Mers-el-Kébir est d'être revenus le surlendemain achever inutilement le Dunkerque qui gîtait pourtant déjà de 40 degrés. Un citoyen britannique s'émeut de la dureté de son pays :

    - Aoh ! A quoi bon tirer sur un couirassé dont l'armement et les superstreutcheurz sont déjà sous l'eau!

    - Déjà sous l'eau ??

    - Of course ! Calculate : 40 degrees sur un bateau français font pour nous 104 en Farenheit !

    *

    9 mars 2001.

      Pourquoi se restreindre à la réunification allemande ? Un tenant de la plus étroite des unions possibles, voire de la fusion entre la France et l'Allemagne, discute de savoir s'il faudra nommer "Fran/magne" ou "Alle/rance" la nation nouvelle. Les actuels Allemands de leur côté devront choisir entre "Frank/schland" et "Deutsch/reich".

      Ils préféreront "Deutschreich". 

      Asseyez-vous et demeurez calmes : je suis partisan de la reconstitution géographique pure et simple de l'Allemagne wilhelminienne. 

      Je vois que les trois quarts de ceux qui étaient restés debout n'ont pas chu : ils ignorent le sens de l'épithète employée. Certes, quelques concessions territoriales seront nécessaires de la part de certains état orientaux de l'Europe si l'on veut rétablir l'intégrité de la nation de Guillaume II. Mais ces états n'ont que des traditions d'existence assez floues. Au nord-est, l'Allemagne s'étendra jusqu'en Lithuanie ; ce pays survivra pourtant, simplement diminué, mais conservant sa capitale Wilnius. Tout au plus recevra-t-elle une garnison allemande. A l'est, la frontière polonaise reculera de plusieurs dizaines de miryamètres pour passer assez près de Varsovie. Qu'importe : en compensation le gouvernement polonais demandera à la sollicitude éprouvée de l'excellent M. Poutine la restitution de toute la région orientale confisquée en 1945 par l'URSS. Mais si l'excellent M. Poutine venait à réagir en rétablissant plutôt la frontière russo-allemande de 1914 ?...

      Le Danemark deviendra d'autant plus danois qu'il restituera le Holstein. La Belgique rendra Eupen et Malmédy. A présent je vous vois venir : vous m'attendez au tournant de nos autoroutes A3 et A4 qui sillonnent la Moselle et nos départements rhénans.

      Mais ce problème n'est-il pas résolu d'avance par la constitution de la Franmagne ?

      Pour ce qui est de la capitale du nouvel ensemble, rassurez-vous ! elle restera à Bruxelles.

    *

    18 mars 2001.

      Rencontré un professeur de mathématiques ayant été juré d'assises. M'a déclaré : "Vous connaissez le principe de la preuve par neuf. Elle est exacte huit fois sur neuf, et sans valeur la neuvième fois. On le sait, mais sans jamais savoir dans quel cas on se trouve lorsqu'on la fait. On l'enseigne aux enfants qui s'en satisferont leur vie durant, parce qu'il faut bien se débrouiller avec ce qu'on a."

      M'a sans transition parlé ensuite de son expérience de juré. Quel amateur de coq-à-l'âne !

    *

    1er avril 2001.    

      Une autrice en vogue vient sur France-Inter évoquer son dernier ouvrage, consacré à la dureté de la condition féminine. Evoquons ensemble quelques une des injustices exposées dans son livre.

      La femme en particulier vit solitaire des veuvages difficiles que sa longévité de huit années supérieure rend d'autant plus longs. Cela n'a l'air de rien, mais représentez-vous un peu. D'un côté, huit années à vivoter de peu d'argent dans un galetas ; de l'autre côté pour son mari, en même temps, trente-deux trimestres paradisiaques dans la paix du Seigneur et sa vision béatifique. Belle justice !

      La femme en ménage vit un calvaire dû à la paresse de son conjoint. Considérez une femme s'installant dans la tanière d'un célibataire. Pensez une seconde à son effroi : elle découvre le chat dans le panier à linge sale ; des outils dans le frigidaire ; des boutons recousus de fil bleu sur une chemise blanche ; de  la vaisselle qui sèche seule pour tout essuyage ; des chaussettes dépareillées aux pieds de son époux ; un troupeau de moutons sous le lit ; des parts de tarte coupées mal égales ; les grands livres rangés avec les petits. Et monsieur qui depuis des années supporte son triste état sans même en prendre conscience ; monsieur qui va jusqu'à ricaner quand il est question de repasser les draps : "A quoi bon ? La coutume depuis Rome est passée de porter ses draps sur soi dans la rue !"

      Aussi, à cause de l'indifférence masculine devant les plus évidentes nécessités, voilà pour la femme toutes les corvées !

      Je vais vous le dire, moi, qui dans un couple passe le balai sous le lit : c'est le premier qui craque devant la poussière. Car à chacun ses malheurs et ses souffrances métaphysiques, voyez-vous ! Et voilà comment je vous ai résumé en quelques mots un ouvrage plein de progressisme.

    *

    5 avril 2001.   

      Le professeur Cabrol, éminent chirurgien des mains, député européen, RPR fréquentable, exprime sur les ondes nationales sa piètre opinion sur le principe de précaution et sa détestation de l'exploitation sans vergogne qu'en font certains à l'assemblée de Strasbourg. Devinez qui. Je dédie au professeur ce distique en alexandrins, médical et de précaution :

    "Avecque le princi-peu de précau-ti-on
    "Meister-eu serait mort ou Pasteur en prison"

    *

    12 avril 2001.   

      Le MEDEF a proclamé cet après-midi par la bouche de son président son ralliement aux idéaux et revendications du Front Populaire.

      M. Seillère exige par conséquent du gouvernement quinze jours de congés payés annuels pour tous les salariés.

    *

    14 avril 2001.   

      Le Jeu des mille francs le mercredi et le dimanche est le "spécial jeunes" pour candidats de moins de dix-huit ans. Voici un exemple de question banco "spécial jeunes" : "Qui était surnommé le roi Soleil ?" ; un exemple de question super-banco "spécial jeunes" : "Quel pays musulman possède une partie de son territoire en Europe et une autre en Asie ?"

      L'animateur Louis Bozon demande aujourd'hui à un candidat ce qu'il fera plus tard :

    - Plus tard, répond notre jeune ami, j'aimerais être écrivain. 

      Il aimerait être écrivain plus tard ?

      Il ne le sera jamais.

      Note : la réalité a rejoint la fiction le mercredi 21 novembre 2007 lorsque Louis Bozon a bien posé la question de la Turquie en question super-banco spécial jeunes.

    *

    2 mars 2001.

      Lu dans "Pour la Science" : "Les premiers Européens, il y a environ un million d'années, vivaient souvent à proximité des cours d'eau. Ils y trouvaient des galets dont ils se servaient pour fabriquer des outils."

      Les trois mots en italiques sont une plaisanterie de ma part ; devinez plutôt, en trois mots également, ce que disait plus sérieusement "Pour la Science". La solution est plus bas, en date du 4 mai 2001.

     

    17 mars 2001.

      Sous leur pression morale, accompagné mes neveux Riri, Fifi, Loulou au McDonald's. Devant le montant nullement ridicule de l'addition, me suis senti une âme de McPicsou. Dans un cadre insipide et dans le niveau sonore de clients qu'on jetterait dehors de tout restaurant classique, perché à une table de cafétéria, grignoté ma salade en trempant mes frites, parentes des montres de Salvador Dali, dans le godet de sauce tomate. La maison jure qu'elle n'est pas transgénique, ce dont d'ailleurs je me fous, puisque je ne viens quasi jamais. Fait un heureux en lui abandonnant ma galette ronde de viande hachée : Pluto s'est régalé. Le personnel est très bien payé, deux smics pour trois ; le client ne comprendrait d'ailleurs pas pourquoi le cuisinier devrait recevoir davantage pour le service rendu. Oui, bien sûr, le personnel est payé pour son temps partiel.

      Concurrence déloyale : le magasin Carrefour demeuré ouvert sur le même parking reste ouvert à midi et permet d'acheter de quoi faire un bon sandwich. Ah, les petits scorpions de neveux ! Qu'est-ce qui m'a pris d'entrer ??

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    3 avril 2001.

      Il est d'usage dans un compartiment de chemin de fer de montrer par toute sorte de mimiques, à quel point le voyageur téléphonant à côté de soi est malappris. C'est donc une personne fortement agacée qui après force grimaces significatives en direction d'un porteur de téléphone, finit par me prendre à témoin pour me demander si "monsieur" qui téléphone ne serait pas mieux à son aise pour cela dans le couloir.

      Absolument indifférent quant à moi aux téléphones portatifs, au point même de n'en toujours pas posséder sans changement à la relecture en 2020), je réponds dans un esprit très zen que cela ne me fait rien du tout ; que le téléphoneur pourrait discuter avec un vis-à-vis sans que nul y trouve à redire, si bien que je ne saisis pas la différence avec la communication à distance ; mais que je conçois qu'un autre s'en puisse agacer, parce que si le correspondant était dans le compartiment, il est certain qu'on connaîtrait ses réponses.

      La personne n'a pas insisté. Le téléphoneur est sorti dans le couloir sans rien dire. 

      Mais enfin, j'ai bien vu que la personne n'était pas contente.  

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    20 avril 2001.   

      Les téléphoneurs mobiles sont très amusants. Dernièrement une dame inconnue téléphonait sur le parking désert de l'aérodrome de Saint-Cléziat-sur-Gartempe. J'arrive et ouvre le hangar dont les lourdes portes de métal roulent bruyamment en s'entrechoquant à grand fracas. La dame surprise s'éloigne quelque peu en continuant à téléphoner, après une moue agacée à mon intention. Je tire mon ULM du bâtiment et lance le moteur que je fais longuement chauffer à grands coups de gaz. Après de nouveaux regards furibonds, la dame s'éloigne définitivement sans cesser de téléphoner.

      Venir téléphoner sur un aérodrome et s'imaginer que la circulation aérienne va s'interrompre courtoisement pour vous laisser correspondre dans le silence ! oh ! oh !

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    4 mai 2001.  

      "faire des ricochets."

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    20 mai 2001.

      Ai dansé pour mes cinquante ans avec madame Héaveksa-Sasratou, jolie commerçante. Elle aurait pu être ma fille, mais comme on dit, elle ne l'était pas. Elle a dû se croire emportée dans le slow de Guy Bedos et Sophie Daumier. M'a glissé d'un air finaud :

    - Vous êtes très sympathique, évidemment, mais entre nous... quel âge avez-vous ?

    - Quarante-neuf quatre-vingt quinze.

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    24 mai 2001.   

      La parole des enfants ne tolère aucune mise en doute. Outreau n'est pas encore passé par là. 

      Les media prétendent qu'un avion de chasse est perdu, cependant que l'armée prétend sa flotte aérienne au complet. C'est que des petits enfants ont affirmé avoir vu un homme descendre au bout d'un parachute dont ils ont décrit les couleurs, ressemblant en effet à celles des voilures militaires. Des escouades entières de sauveteurs battent vainement la campagne...

      Il finit par s'avérer que le parachute était un jouet de quelques décimètres de diamètre. Un responsable des sauveteurs s'exprime à la radio, alors même que la vérité est découverte, et n'en continue pas moins à dire d'un ton chargé d'embarras : "Nous ne remettons naturellement pas en doute la parole des enfants, mais..."

      Approuvons le "mais". Un couple de parents en Angleterre est incarcéré et comparaît pitoyable au tribunal, accablé par ses enfants, coupable sans autre élément matériel d'une montagne d'abominations. Les enfants décidément à la place d'honneur enfoncent le clou, lançant des accusations de sorcellerie qui ne sont physiquement possibles que dans l'imaginaire enfantin. Le juge rétrograde et insensible à la violence qu'il fait ainsi aux enfants, ordonne la libération des parents dans la minute.     

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    29 mai 2001.   

      Un sculpteur qui assemble en oeuvres d'art de vieilles ferrailles, crée dans un atelier qui se trouve être un entrepôt de location au milieu d'autres. L'entrepôt voisin occupé par une entreprise recèle des ferrailles qu'elle n'a pas changées en oeuvres. Elle a loué en revanche les services d'un déménageur afin qu'il vienne charger le tout et l'envoyer à la fonderie.

      Las, les déménageurs qui, éreintés par leur métier, longtemps se sont couchés de bonne heure sans rien lire ni rien connaître, se trompent d'entrepôt et envoient à la fonderie les oeuvres d'art. Le sculpteur déclare sur une radio : "Evidemment, les déménageurs ne pouvaient pas savoir..."

      Ils ne pouvaient pas savoir ! L'artiste s'est trahi. Chargé de déménager de vieilles pierrailles, le plus obtus déménageur n'eût pas envoyé à la casse le contenu de l'entrepôt de Michel-Ange. 

      Je suis un nigaud ? Oui, je sais. J'assume.       

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    3 juin 2001.  

      Trouvé dans un numéro de l'Illustration des années 1930, pour un tourne-disque, cette réclame d'une franchise commerciale absolument digne d'éloges et à montrer en urgence à nos modernes margoulins-communicateurs :

      "Pour l'achat de dix de nos disques à choisir sur notre catalogue, nous vous offrons ce beau pick-up recouvert de simili-cuir au choix vert ou noir. Détrompez-vous si vous pensez que c'est une camelote : que gagnerions-nous à vous faire entendre nos disques dans de mauvaises conditions ? 

      "Il s'agit au contraire d'un appareil de bonne marque, et qui nous coûte cher. Pourquoi cette générosité ? Parce que beaucoup de familles ne disposent pas d'un pick-up, et qu'il est de notre intérêt de fabricants de disques qu'elles en aient un."

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    13 juin 2001.  

      Le principe de précaution ne supporte par définition même nulle entorse. Je me promène beaucoup dans la nature, mais je ne connais pas du tout les champignons. Si je les connaissais, je ramasserais les bons et marcherais sur les mauvais pour éviter qu'un ahuri ne s'empoisonne. Ne les connaissant pas, j'applique le principe de précaution en écrasant tous les cryptogames, cèpes, morilles et coulemelles compris. Ah, si je savais les reconnaître ! Mais je ne sais pas. Alors...

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    3 juillet 2001.  

      Le gouvernement décide de financer la construction de 11 000 nouvelles places de prison. Il n'est pas précisé si ces places nouvelles doivent servir à désengorger les établissements existants ou bien à incarcérer 22 000 nouveaux prisonniers.

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    15 août 2001.  

      Appris que l'Eglise a ces temps derniers réhabilité Galilée. C'est curieux. A la place de Galilée, j'aurais plutôt pensé qu'on viendrait me demander si je voulais, moi, réhabiliter l'Eglise.

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    29 août 2001.  

      Retrouvé dans mes notes un propos d'Edmonde Charles-Roux (4) entendu sur France-Inter vers 1985. On lui demandait pourquoi il semblait à l'entendre qu'il n'est pas d'autre possibilité pour une honnête personne que d'être de gauche. Elle répliquait vertement : "Je regrette, mais il se trouve que le coeur est à gauche."

      Elle n'a jamais vu une radio des poumons. Le coeur est au centre, juste un peu déporté à gauche. Le massage cardiaque se fait sur le sternum, non sur les côtes gauches. Qu'importe ! L'écrivaine est à gauche ; VGE n'a pas le monopole du coeur ; Molière a disserté sur la latéralisation du coeur ; pourquoi pas elle, si l'image est frappante en faveur de sa famille politique ? Les émotions littéraires ont bien droit à quelque licence poétique, et l'émotion littéraire d'une façon générale n'a ni l'obligation ni la coutume de rougir de ses licences. Le coeur sera donc là où l'écrivaine voudra qu'il soit. Pas de doute : elle est bien de gauche. 

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    4 septembre 2001.   

      Vu dans l'Illustration du 5 décembre 1914 une photographie ainsi légendée : "Un des fonctionnaires de Soissons qui sont restés à leur poste sous les bombardements : dans le caveau dont il a fait son cabinet de travail, sa salle à manger et sa chambre à coucher, M. Paul Constant, juge de paix."

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    11 septembre 2001.  

      Retour aux Années Folles avec des gens qui se jettent à New-York du haut des gratte-ciel.

      Aujourd'hui, rien à Santiago du Chili, où voici vingt-huit ans jour pour jour le coup d'état de Pinochet un peu téléguidé de l'étranger causait sur-le-champ et au fil des années suivantes bien plus de trois mille morts innocents selon les critères démocratiques en usage à l'intérieur des Etats-Unis d'Amérique. Aucune expédition punitive préparée à Santiago contre aucun état voyou.  

      

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